dimanche 7 novembre 2010

Reprendrez-vous du gateau: Chapitre II: Valérie et Arnaud

Après le lycée, notre trio féminin avait fatalement pris un tournant à cause de questions d’orientation. Nous nous étions dirigées, Valérie et moi, vers la même voie commerciale et avions fini dans la même école tandis que Roxanne avait choisi la Fac de droit. A l’époque, on partageait une ligne de conduite faite d’anticonformisme relatif qui consistait à être au BDE et à être les reines des soirées. A l’époque, cela nous paraissait très original. C’est ainsi qu’ensemble, Valérie et moi avions fait les quatre cent coups en école pendant nos années étudiantes.

Femme libérée
Illustration: Femme libérée: by Rayn82, on Flickr

Pour les soirées, Roxanne était en général aussi de la partie et Christophe bien sur, et j’étais fidele même quand ce dernier ne pouvait se joindre pour causes de révisions. Valérie ne tarissait jamais d’éloges au sujet des couples comme Christophe et moi parce que l’on avait trouvé un équilibre et « qu’on n’était pas des loques » C’était un bon compromis. Je faisais la fête, mais notre couple résistait à la promiscuité des écoles de commerce. Ce n’était pas les occasions qui manquaient lors de ces soirées « beuveries ». Capitalisant grandement sur son statut de célibataire, au cours des soirées bien arrosées, Valérie avait tendance à succomber aux avances de tous les prétendants.

Célibataire, Valérie avait affirmé maintes fois ne pas comprendre pourquoi les gens se sentaient obligés de se « caser » si tôt et d’abandonner toute vie nocturne et sociale. Elle se moquait des couples, et elle tombait amoureuse de tous les « bad guys » de la promo et affirmait ne pas pouvoir tomber amoureuse d’un « mec normal ». Sans le savoir, en dernière année, elle allait se contredire.
Valérie et Arnaud avaient été introduits par des amis en commun. Ils avaient assez vite formé un couple de manière presque contractuelle, non pas parce qu’ils étaient fous d’amour, mais parce que cela semblait naturel, quelque peu « facile » et « pratique ».

Arnaud était étonnement conventionnel. C’était en désaccord total avec ce qu’elle avait pu être lorsque nous étions étudiantes. Les « bad guys » de la promo étaient bien loin. Ils étaient un couple en bonne et du forme; un couple fonctionnel, un couple efficace, un couple bien comme il faut, le genre de couple qui investit dans l’immobilier, un couple qui accueille tous les codes du couple et les fait sien, un couple qui rend les autres couples peu prestigieux en comparaison.

Ce n’était pas un couple formé dans l’aveuglement du début que traversent les « couples passion ». Ils avaient conscience de leurs imperfections mutuelles, de leur relativité, et avaient choisi de s’aimer, aussi imparfaits soient-ils. Le souvenir de la déception amoureuse que Valérie avait vécue au lycée y était sans doute pour quelque chose : il est plus facile d’être dans une couple résigné qui fait du bien et de vivre sans risque, sans réelle menace que le couple ne tienne pas. Par contre, c’était aussi à mes yeux le genre de couple « frère et sœur » efficace pour ce qui est organisationnel ou ce qui a trait a la logistique du quotidien, mais où tu te demandes si il leur arrive de faire l’amour parfois. Il faut croire que oui : vingt-six ans, Valérie était enceinte et ils venaient d’emménager dans une petite maison avec jardin payée par leurs parents respectifs dans un complexe moderne d’une banlieue Ouest parisienne quelconque.

J’avais assez mal vécu le fait que mon amie, aussitôt Arnaud rencontré, s'avérât prévisible comme toutes les autres femmes. Elle suivait le même moule que ces couples, et ce même chemin tout tracé qu’elle avait toujours remis en question. C’est ce qu’on appelle ne pas être en accord avec soi-même, et moi, je lui en voulais car c’était comme si elle m’avait trahie. Je ne lui avais jamais dit.

Cette vice-présidente de BDE fêtarde aux apparences indépendantes et « femme libérée », venait de se caser comme un oiseau auquel on aurait coupé les ailes et qui, au lieu de s’en rendre compte, devient amnésique et oublie qu’il a jadis eu des ailes. Elle se retrouvait a peine deux ans après le début de l’école, à commencer absolument toutes ses phrases par « nous » ou « on », et je me gardais bien de lui rappeler que peu de temps auparavant, elle se moquait des couples qui faisaient de même et s’était même juré de ne jamais devenir comme eux.

Mais j’avais fini par lui pardonner cette trahison. Une bonne amie, cela ne juge pas. Une bonne amie, cela soutient son amie avec le sourire, et c’est ce que je m’apprêtais à faire pour Roxanne.

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