jeudi 30 décembre 2010

Christophe et moi: Chapitre IV

Avec Christophe, il y avait eu la complicité au lycée, en révisant les maths et l’histoire/géo, les rires, les découvertes, les larmes, les premiers émois, les combines pour s’asseoir à côté sans que personne ne soupçonne rien, l’absence de concentration au moment du bac.

Dans les débuts de notre couple, le monde autour de nous avait cessé d’exister. Nous partagions beaucoup. Comme avec Roxanne, nous avions tous les deux grandis engonces dans des conventions sociales rigides qui ne nous semblaient pas si pertinentes. Mais au delà des raisons évidentes, il y avait ce que l’on ressentait, et cela ne s’expliquait pas. C’était très différent de ces couples qui se rencontrent plus tard une fois que les deux personnes sont mures, qui ont un projet de couple fondé avant tout sur la raison, qui envisagent l’avenir ensemble de manière presque contractuelle. Etre ensemble n’était pas un choix ni une contingence, c’était un amour nécessaire fondé sur quelque chose d’irrationnel qui avait été bien plus fort que nous. Comme une force de la nature. Ne pas concrétiser notre amour dans une relation intime nous était vite apparu comme inconcevable.

À l’époque, j’aurais fait n’importe quoi pour lui; j’aurais sauté d’une falaise si il me l’avait demandé.

Notre couple se situait dans l’absolu. Le propre de ce genre de couple, je le sais aujourd’hui, c’est que les protagonistes partagent quelque chose de complètement imperceptible par le monde extérieur. Peu de gens autour de nous comprenaient la force de l’amour qui nous unissait. Les filles avaient été un peu jalouses car je leur consacrais de moins en moins de temps.

Et aujourd’hui, quatorze ans plus tard, après avoir grandi ensemble, Christophe travaillait comme trader, et était usurpé par des journées de dix heures, un rythme inhumain et un niveau de stress exponentiel. Les week-ends, il finissait souvent par se rendre au bureau pour rattraper les dossiers qui avaient pris du retard. On ne se voyait pas beaucoup en fait, et lorsqu’on se voyait, il était rarement de bonne humeur.